Grèce: Les meurtriers d’E. Topaloudi sont coupables des peines maximales, une victoire pour chaque “Eleni”!

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La décision du tribunal a jugé coupables à l’unanimité les deux accusés pour le viol collectif et le meurtre d’Eleni Topaloudi.

Le tribunal n’a reconnu aucune mesure d’atténuation, et les a condamnés à l’emprisonnement à vie pour homicide1 intentionnel et à 15 ans de plus pour le viol collectif. Cette décision est une victoire importante pour Eleni et sa famille, ainsi que pour toutes les personnes qui se sont retrouvées devant le tribunal au matin du 15 Mai et les milliers d’autres qui ont suivi le déroulement du procès au cours de la dernière période.

À partir du moment où le meurtre et le viol d’Eleni ont été connus2, l’affaire est devenue «personnelle» pour une grande partie de la société qui a été choquée d’apprendre qu’une jeune fille était morte parce qu’elle avait osé dire «non» à ses violeurs. Au cours du procès, les tortures qu’Eleni a subies aux mains de ses deux meurtriers ont été révélées, ainsi que son abandon inhumain, qui visait à sa mort pour qu’elle ne puisse les dénoncer. La cruauté manifestée par les auteurs ne pouvaient que rendre furieux tous ceux qui ont assisté au procès, même de loin.

L’attitude des accusés

L’attitude des accusés pendant le procès était également scandaleuse. L’un a fait un doigt d’honneur à ceux qui s’étaient rassemblés devant la Cour pour le procès, l’autre est arrivé au tribunal en souriant – montrant clairement l’un et l’autre qu’ils ne regrettaient pas le moins du monde leurs actes. Des actes qui, comme prévu, ont été aggravants. Lors de leurs témoignages, les accusés ont tenté de se blâmer mutuellement. L’un des deux a également tenté de convaincre le tribunal qu’il avait des problèmes psychologiques importants, espérant que cela puisse le sauver.

Eleni est un symbole de toutes les femmes victimes de violences sexistes

Le meurtre et le viol sauvages d’Eleni n’ont pas seulement mis en évidence ses terribles derniers moments, mais aussi chaque histoire, chaque autre “Eleni” qui a été victime d’un viol, maltraitée ou tuée par la main d’un étranger, d’un ami, d’un partenaire. Plus le procès avançait, plus les femmes et les hommes prenaient mesure de ce que cela signifie pour une femme de vivre dans la société sexiste d’aujourd’hui, combien de dangers elle doit affronter dans la vie de tous les jours et à quel point le chemin de la justice est difficile.

La façon dont les femmes, victimes de viol ou de violence, sont traitées par les autorités, la justice, les médias, comme si elles étaient responsables de ce qu’elle ont subi ou comme si c’était juste de la malchance, fait que beaucoup d’entre elles ne dénoncent pas les faits. Et même, dans les cas de meurtres, les responsabilités tombent souvent sous le coup de la “passion”, la “jalousie”, la “femme fatale” et pas sur l’auteur !

Ainsi, le cas d’Eleni a pris des proportions encore plus importantes: outre la demande que justice soit faite, la demande que celle-ci soit faite pour toutes les victimes de violences sexistes a aussi grandi de façon spontanée et naturelle.

Le discours de la procureure, Aristotelia Donga

La première victoire est venue du discours de la procureure du procès, qui s’est prononcée sur le cas d’Eleni, de façon aigüe, ainsi qu’humaine; elle s’est adressée aux parents et, en même temps, elle a aussi désarmé les accusés de tout argument défensif. La position de Mme Donga a provoqué des réactions de toutes parts. Les organisations féministes et les partisans qui ont assisté au procès à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience ont ressenti un sentiment de justice pour Eleni et pour toutes autres femmes.

En même temps, le président de la session plénière des présidents des barreaux du pays, Dimitris Vervesos, demande qu’une procédure disciplinaire soit engagée contre elle à cause de son discours. Le secrétaire d’Etat à la Justice, Akis Skertsos, l’a critiquée dans les médias sociaux; en même temps, toute une série “d’articles d’opinion” ont circulés, qui n’étaient pas d’accord avec sa position. Les principaux arguments de ceux qui critiquent ont été que le pouvoir judiciaire doit garder ses distances avec les cas, mais aussi que la procureure a “attaqué” les avocats et leur ligne défensive.

Des secrets bien connus et bien cachés

Mais pourquoi le discours de la procureure a-t-il tant gêné ? C’est vrai que la dimension personnelle qu’elle a incorporé dans son discours n’est pas habituelle, ou même les limites que sa position en tant que procureure pose – mais ce n’est pas vraiment ce côté-ci qui a dérangé. Mme Donga a prononcé publiquement, dans la salle d’un tribunal, des vérités que nous connaissons toutes et tous, mais qui sont très rarement exprimées par les autorités judiciaires officielles.

Elle a mentionné les autorités policières et la façon dont elles ont géré le cas d’Eleni, mais aussi d’autres cas de viol ou tentative de viol. Elle a fait l’éloge du fonctionnaire portuaire Th. Zovas3, qui a géré le cas de façon exemplaire, et qui malgré les pressions faites, n’a pas renoncé à trouver et arrêter les coupables, précisant même que jusqu’à un certain point, c’était une question de “chance” que l’affaire n’ait pas été “cachée”.

Elle a évoqué la pression exercée par la famille d’un des tueurs. Et en réalité, en faisant toutes ces allusions, elle a décrit des maintes cas de viol, meurtres et violences faites aux femmes, que la police sous-estime ou renonce à prendre au sérieux. Des cas où des criminels échappent bel et bien à la justice, parce que ce sont les fils de familles riches et connues. Ce sont ces vérités qui ont gêné, et c’est pour cette raison que le discours de la procureure a “remué le couteau dans la plaie” et a provoqué ces réactions ! Mais, en même temps, c’est aussi la raison pour laquelle des milliers de personnes ont ressenti que justice avait été faite, non seulement pour Eleni, mais aussi pour tout un tas d’autres victimes de crimes sexistes.

“On ne va jamais oublier ce qu’a subi Eleni – plus jamais une autre assassinée” (4)

La publicité de l’affaire d’Eleni, l’indignation d’une grande partie de la société pour son meurtre et viol violents, et la présence de personnes solidaires dans les tribunaux tout au long du procès, ont joué un rôle important dans la décision finale du tribunal.

Le procès et la condamnation des meurtriers d’Eleni pourraient être une étape importante pour le mouvement féministe et pour les femmes victimes de violences sexistes. Parce que d’une part, elle met en lumière la manière dont les victimes de viol et de maltraitance sont traitées par les autorités – généralement – et d’autre part combien il est important pour les victimes de parler, de porter plainte et d’accepter le soutien et la solidarité de la société dans leur chemin vers la justice.

La lutte du mouvement féministe et de la gauche doit être double. Se tenir aux côtés de chaque femme victime de maltraitance mais en même temps se battre pour une autre société, une société sans sexisme ni violence, une société dans laquelle il n’y aura plus jamais «d’autre Eleni», une société socialiste.


Notes
(1) Le féminicide n’est pas reconnu comme un crime à part dans le droit pénal grec.
(2) Eleni Topaloudi, une étudiante de 21 ans, avait initialement rendez-vous avec Alexandros Lucaj mais celui-ci est arrivé avec un ami – Manolis Koukouras. Les deux l’ont dupé et conduit à la maison de campagne du deuxième, où ils ont tenté de la violer. Celle-ci a réagi, ce qui a provoqué leur rage; pendant des heures ils l’ont battue, torturée et poignardée. Quand ils se sont rendu compte qu’elle allait les dénoncer, ils ont préféré en finir avec elle. Ils l’ont conduit gravement blessée – mais toujours vivante – vers une falaise et l’ont jetée en mer. Leur but était que le corps soit déplacé au large, vers l’Egypte. Mais le vent a soufflé et la mer l’a déposé vers une plage à côté, où un pécheur l’a trouvé et l’a signalé aux autorités portuaires. https://xekinima.org/kamia-ligoteri-kamia-allh-eleni/
(3) Les autorités portuaires font service de police pour des crimes survenus (ou dont les évidences sont trouvées) en mer ou sur la côte.
(4) C’est le slogan que les personnes solidaires criaient devant le tribunal, le jour de la conclusion du procès.

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